Le réseau au féminin : Qualité de vie au travail et stratégie
Lors de la soirée du 27 juin, Maryse Hania a accueilli  Geneviève Rouyer et Christian Leguedois qui nous ont présenté leurs regards croisés sur ce sujet qui nous concerne tous !
Geneviève est sociologue, consultante et coach dans ce domaine, Christian est responsable du pôle qualité de vie et santé au travail du groupe Solocal. Leurs expériences sont différentes et complémentaires.


Geneviève nous a présenté les principaux enjeux de ce thème avec des illustrations issues de son parcours professionnel des années 1990 à nos jours, d’un groupe industriel au conseil.
Ce  sujet est à la fois pour les personnes et les entreprises.
Qui n’a pas rencontré des situations de mal être au travail pour soi où les autres ? Ces risques psycho-sociaux, ou “RPS”, qui peuvent se produire lorsque l’interaction entre les individus et de l’interaction de l’individu avec son travail tournent mal. Ces situations amènent les individus, l’état, les entreprises vers une stratégie défensive : lois, diagnostics, mise en place de soutien médical et psychologique… tout cela est utile lorsqu’il faut réparer.
Qui ne cherche pas à partir travailler avec énergie et motivation ? Il apparaît désormais urgent d’anticiper, développer notre « qualité de vie au travail », (“QVT”), c’est-à-dire un travail de qualité qui a du sens, qui nous permette de développer nos compétences, de vivre des relations constructives avec nos collègues, de trouver de l’inspiration, du soutien et de la reconnaissance auprès de notre management, assurer notre équilibre vie professionnelle-vie privée…
Pour certaines entreprises c’est aussi un acte de stratégie de développer ses ressources humaines pour l’efficacité,  la coopération et l’engagement de ses salariés. Certaines directions décident de mettre en place une démarche d’amélioration continue impliquant les managers, les équipes, les partenaires sociaux vers des actions choisies, mesurées et ajustée aux enjeux des projets.
Christian Leguedois nous a fait partager son expérience pour rendre durable le « pôle QVST » qu’il a créé et anime depuis 8 ans dans son entreprise.  Qu’est-ce qu’ être stratège ?   comme le précise le dictionnaire : pratiquer l’art de coordonner des actions et des personnes pour atteindre un but !

Les ingrédients ? Comprendre, coopérer, s’adapter :
• Comprendre c’est centrer les actions sur « le travail réel », sur des situations ou des projets précis de l’entreprise, en particulier ses transformations, partager un vocabulaire commun qui permettent aux managers, salariés, partenaires sociaux d’expliciter les enjeux et les constats.
• Coopérer c’est croiser des regards pluridisciplinaires sur les situations quitte à se confronter, faire appel à des experts, partager des indicateurs et des informations.
• S’adapter c’est ajuster sa légitimité aux enjeux de l’entreprise : santé des salariés, relations sociales, engagement, performance, accompagnement des transformations,  gérer ses émotions face aux résistances culturelles, aux critiques…

Le débat qui a suivi ces témoignages nous a permis d’échanger sur différents thèmes :

1 En quoi les femmes sont -elles concernées différemment des hommes par ce sujet ?

Dans sa pratique Geneviève constate que la recherche d’une « qualité de vie au travail » concerne aussi bien les femmes que les hommes qui sont à la recherche d’un équilibre dans leur vie. Dans les statistiques sur les stress au travail, par exemple les résultats du questionnaire MSP 25, montre des résultats différents entre hommes et femmes. Celles -ci présentent plus souvent que les hommes de symptômes de stress élevé, la différence étant de 2 à 4% selon les population étudiées. Le métier ou le contexte de travail paraissent plus significatifs que le sexe. La perception généralisée est que les femmes ont un emploi du temps chargé où s’enchaînent responsabilités professionnelles et personnelles ce qui peut amener à des situations d’épuisement. Cependant avec les nouvelles générations l’investissement dans la vie privée et parentale évolue et concerne aussi les hommes.

Le stress présente un risque de déclenchement ou aggravation de pathologies, ce n’est pas une maladie en elle-même. Les études montrent que les femmes prennent souvent plus en compte les signes d’alertes. Certains hommes laissent au contraire traîner des situations qui finissent par les exposer à développer des maladies graves, voire des « passages à l’acte ». Ainsi les ¾ des victimes de suicides sont souvent des hommes alors que 65 % des tentatives sont faites par des femmes… La Fontaine semble avoir bien résumé la situation dans la fable « le chêne et le roseau »

2.  La nécessité d’aller vers un but concret car la notion de QVT est relative selon les situations : dans certains cas il peut s’agir de la santé et du repositionnement d’une personne, dans d’autres de coopération dans l’équipe et/ou avec le manager autour des objectifs ou de l’organisation du travail, dans d’autre d’animation et de développement de la convivialité, accompagner un changement…

3. Une certaine dégradation de la posture de management car la priorité est souvent la gestion des tâches et le contrôle ; les formations initiales semblent faibles en ce qui concerne le management des personnes et des équipes. S’il est préférable d’être sur le terrain pour mieux comprendre ce qu’est le management, des formations complémentaires sont souvent utiles.

4. La pertinence des actions QVT dépend de la culture managériale de l’entreprise : certaines participantes ont connu des « Chief Hapiness Officer » et trouvent le terme de bonheur au travail tout à fait approprié, d’autre constatent que c’est encore souvent face à des problèmes de souffrance au travail que des mesures correctives se mettent en place. La notion de « bonheur » est -elle trop décalée face aux situations, ou un « effet de mode » ? Il paraît nécessaire d’adapter le vocabulaire.

5. Le management ne peut pas être le seul acteur ! la cohérence et la coopération dans l’équipe et avec ses leaders est aussi nécessaire.

6. Les temps de convivialités, parfois trop réduits dans certaines cultures managériales très contrôlantes sont indispensables pour des échanges informels, c’est un vrai travail de management que de leur permettre d’exister.

7. L’agencement des locaux, l’environnement physique de travail fait aussi partie de la qualité de vie au travail : il facilite ou rend difficile la collaboration, la concentration !

8. Les contextes de changements ont fait débat. Résistance au changement ou manque d’accompagnement du changement ? Force est de constater que la plupart des entreprises et leurs collaborateurs changent, se transforment, évoluent, les nouvelles formes de travail sont multiples, accélérées par le numérique. Pour changer il est nécessaire d’agir, de participer, d’avoir un degré d’initiative. Qui peut dire qu’il va accepter et s’impliquer quand le changement est imposé et n’a pas de sens par rapport au travail qu’il fournit ?

9. Les sujets “QVT”, “RPS” sont -ils typiquement français ? Non pour nos intervenants, des apports canadiens, anglo saxons sont nombreux sur ces sujets, avec peut-être un angle santé plus important. L’ouvrage de Nicole Aubert « le culte de l’urgence » résume les transformations du monde du travail occidental à la fin du 20ème siècle. Il s’appuie sur des études anglo-saxonnes sur les « dépressions de l’insuffisance » en lien avec le travail dont les symptômes ressemblent à ce qu’on appelle aujourd’hui « épuisement professionnel » et « burn-out ». Il pourrait y avoir en France un mythe sur le travailleur anglo-saxon qui s’adapte et change de travail … « comme de chemise ». Le film américain « In the Air », (avec le flegmatique George Cloney) sous l’apparence d’une bluette sentimentale aborde ce sujet : non ce n’est pas neutre de perdre son travail aux USA et ce n’est pas très opportun de laisser les ordinateurs assurer des actes de management !