J’anime régulièrement des ateliers sur l’affirmation de soi au féminin/masculin. Est-ce que l’affirmation de soi passe par l’écriture inclusive (= accorder, entre autre, en genre les noms de fonctions et user systématiquement du masculin et du féminin ) ? Nous disons bien aujourd’hui  le féminin et la virilité (sens entendu masculine), demain, devrions-nous dire “la féminin” et “le virilité “?  Une contribution  au débat d’aujourd’hui :  je laisse la parole à Serge Koster* 

“Au nom de l’idéologie féministe, il s’énonce beaucoup de sottises à propos de la grammaire française. On cherche dans celle-ci des traces de l’hégémonie masculine et de l’abaissement de la femme là où ne s’exercent que des phénomènes purement formels.

Le cas le plus flagrant concerne la confusion faite par les féministes entre le sexe biologique et le genre grammatical. Soit la phrase suivante : «  Roméo et Juliette s’embrassent derrière le rideau, puis ils réapparaissent sur le devant de la scène ».Il est évident que le pronom « ils » s’impose, impossible d’écrire : puis « elles » réapparaissent ». Cela ne signifie pas que le masculin est le dominant, cela vient de ce que le masculin est le genre non marqué, une sorte de neutre en somme, alors que le féminin opère une désignation spécifique. Cela n’a rien à voir avec la place de la femme dans la société !

Autre exemple. Comment s’adresse-t-on à une femme médecin ? On ne la hèle pas en lui disant « Bonjour doctoresse », ce serait ridicule. Là non plus rien à voir avec une quelconque hiérarchie.

Troisième cas, celui de la féminisation des titres, décrétée en dépit de l’absurdité que cela entraîne. Lorsque j’entends un journaliste parler de « la maire de Paris » ( ou d’ailleurs ) , j’imagine cette dame accouchant de millions de Parisiens, vision très inconvenante. Il suffirait de conserver l’énoncé normal : Madame le maire de Paris, etc.

Pied de nez pour finir : le pistil, du genre masculin, désigne « l’ensemble des pièces femelles » d’une fleur, tandis que l’étamine, du genre féminin, désigne « l’organe mâle des plantes à fleurs ». La botanique n’a que faire de la lutte des sexes.

Ces querelles linguistiques relèvent du sectarisme et dénaturent la langue française, telle que nous l’avons héritée de siècles d’histoire. Vivante, elle peut évoluer, mais pas dans le mauvais sens.

En incipit de mon pamphlet Adieu grammaire !  j’avais écrit : « Je n’ai jamais quitté les bancs de l’école. La grammaire a été mon genre de vie. J’ai lu, écrit ,mes livres, sur des livres. Je n’en démords pas : disciple de Paul Léautaud, je ne me définis pas autrement que comme écrivain français, attaché à l’amour de la langue française, qui a produit Racine, La Fontaine, Chateaubriand, Proust, Queneau, et tant d’autres, dont je reste le lecteur passionné, et dont je m’autorise.”

 

Serge Koster*

* Agrégé de grammaire, enseignant, critique littéraire, écrivain.

Dernier livre paru : Un été sans fin, édtions Pierre-Guillaume de Roux, 2016