Je ne sais pas comment ça se passe pour vous mais moi, je suis de plus en plus irritée par les blogs, posts sur Facebook, les segments vidéo d’1mn30 hypersimplificateurs qui, au prétexte de nous apprendre des choses sur comment éduquer sans crier etc, finissent par être insupportablement naïfs et totalement culpabilisants!
Bref, passé à la moulinette de l’obligation de faire du buzz, d’attirer l’attention, ce qui relève de l’éducation sans violence devient un ramassis de trucs mous, sans substance et horriblement bienpensants : « non, ce n’est pas bien de sentir la colère qui est un sentiment négatif… c’est le stress, ma pauvre dame… respirez… prenez du temps pour vous…. Expliquez les choses sans crier et les enfants vous écouteront…. ».
Au secours ! La médiatisation ne supporte pas la complexité (10 solutions pour ça, 3 éléments à ne jamais oublier, 7 points-clés d’une méthode infaillible) et heureusement, l’éducation et l’élevage des enfants requièrent de la complexité.
D’où mon titre : réhabiliter les conflits.
Non, on n’est pas au pays des bisounours.
Les conflits avec les enfants existent.
Oui, on crie.
Oui, on est stressé.e, fatigué.e.
Non, on ne se contrôle pas toujours.
Mais la question est : est-ce toujours négatif ?
La version médiatique des méthodes d’éducation sans violence promet
- Une vie sereine et sans nuage (on habite en été. on mange dans le jardin…. Quel manque d’imagination. Pourquoi le bonheur serait-il l’été ? Moi j’aime la neige et le froid).
- Un bonheur familial : version chicorée ou Nutella, tout le monde est bronzé.
- Des enfants qui obéissent avec plaisir : « oh, oui maman, je comprends que ce que tu me dis est pour mon bien et je vais m’empresser de faire ce que tu demandes. Oh, je t’aime maman ! » (Beurk, on se croirait dans la petite maison dans la prairie).
Alors oui, je suis tout à fait d’accord avec l’éducation sans violence mais pas la version « pub télé », la version « prêt-à-penser » qui simplifie à outrance et culpabilise les gens. Après tout, c’est facile. Il y a qu’à… il suffit de… Et, si vous n’arrivez pas, vous n’êtes pas des bons parents…
« Oh, mon dieu, je me suis engueulé.e avec ma fille/mon fils. Je suis nul.le. J’ai tout raté ! »
Comme je l’ai exposé dans une conférence parentalité, à Marly le Roi (merci au café des parents de Marly pour leur invitation et pour le bon boulot qu’ils font dans un véritable soutien à la parentalité), les conflits ne sont pas forcément un constat d’échec.
Les conflits ne sont pas synonymes de violence.
L’agressivité ou la colère qui se dégagent lors d’un conflit ne sont pas forcément de la violence, même s’ils ne sont pas agréables à vivre.
Un conflit, c’est le signe qu’il y a un problème qu’il faut résoudre.
La violence, c’est chercher à supprimer l’autre qui est considéré comme étant LE problème. S’il n’est plus là, plus de problème.
Le conflit est différent : c’est une tentative de résoudre un problème en allant chercher l’autre. D’ailleurs, vous avez remarqué ? Un conflit non résolu fait qu’on y revient encore et encore. Donc on cherche à le résoudre encore et encore. Et comme on n’a pas toujours les solutions, les méthodes, la force, le courage, le temps pour résoudre les problèmes, on n’y arrive pas. On a alors besoin d’aide pour aller au fond des choses.
Alors, pourquoi réhabiliter les conflits ?
Parce que les conflits ne montrent pas qu’on est nul comme parent mais que les besoins de nos enfants entrent en collision avec les nôtres, notamment à l’adolescence.
Je précise aussi que je parle ici uniquement des conflits avec les ados, pas les moins de 12 ans.
Le conflit est l’occasion d’apprendre des choses importantes:
- Apprentissage des limites : ton besoin n’est pas forcément plus important que le mien.
- Apprentissage de la vie collective : tu n’es pas le centre du monde et si tu ne prends pas en considération les besoins des autres, ils vont te le rappeler.
- Apprentissage de la résolution de problème et de la gestion des conflits : c’est une compétence importante. On apprend que les conflits sont faits pour être résolus et pas ruminés !
- Comprendre que l’on peut être en conflit sans rompre le lien avec l’autre.
Évidemment, il y a des précautions à prendre :
- La confrontation ne doit pas tourner à la violence. C’est un risque qui existe à l’adolescence.
Il faut donc dire les choses rapidement pour éviter l’effet cocotte-minute (le couvercle qui pète quand la pression est trop grande et là, tout le monde prend ! Même ceux qui n’y sont pour rien.
Les américains ont une expression bien imagée que j’adore : « The shit is going to hit the fan », c’est-à-dire, la merde va toucher le ventilateur… On imagine aisément les dégâts…
- Il faut choisir ses combats. On ne peut pas confronter sur tout, tout le temps car sinon on ne fait que cela.
- Ne pas oublier qu’on ne change pas les PENSEES des personnes mais on change les COMPORTEMENTS.
« Tu as le droit de penser ce que tu veux. Tu n’as pas le droit de faire ce que tu veux »
Avec certains ados, les conflits peuvent être longs, durs et éprouvants.
Ce n’est pas forcément un signe d’échec des parents. C’est le signe que les enfants sont des êtres à part entière et qu’ils ne sont pas réductibles à l’éducation qu’ils ont reçu.
La grandeur du parent, c’est d’être là, jour après jour et de tricoter, du mieux qu’il peut, des solutions, du dialogue et de la protection.
Mon plus profond respect aux parents qui osent la confrontation avec amour.