Comme promis dans mon précédent article (qui date un peu, je vous l’accorde), je vais vous « révéler » les secrets des parents asiatiques qui, forcément, ont des enfants plus intelligents, plus travailleurs, plus obéissants, qui n’ont que des bonnes notes et ont tous des doctorats !
Oui, vous sentez bien le sarcasme poindre dans mon écrit. Je dois dire qu’en commençant à lire le chapitre « comment les asiatiques apprennent à leurs enfants à exceller à l’école » du livre « Comment les Eskimos gardent les bébés au chaud» de Mei-Ling Hopgood, j’étais un peu énervée. Je suis comme tout le monde, je sais que ma façon à moi de faire est la Meilleure et je n’ai pas envie de lire que les asiatiques sont supérieurs aux blancs. Mais je m’étais juste fait prendre (encore une fois) par les titres des chapitres qui sont des résumés marketing d’un contenu beaucoup plus nuancé.
Par exemple, dans le chapitre sur la propreté des enfants en Chine, on se rend compte que les chinois n’entrainent pas les enfants à la propreté mais qu’ils font surtout de la gestion de déchets (lisez : ils laissent les enfants faire pipi et caca dehors à la campagne et utilisent des sacs plastiques pour récupérer les selles ou le pipi s’ils sont dans le métro). Ça casse un peu le mythe ! Mais cela montre aussi que les enfants sont sans doute propres plus tôt s’ils ne sont pas dans des couches très confortables et qu’ils ont la possibilité de faire rapidement leurs besoins sans être obligés de cavaler aux toilettes à l’autre bout du jardin, de grimper sur un tabouret, mettre un réducteur de toilette…. Et là, trop tard ! Et en tout cas, la méthode chinoise est difficilement adoptable telle quelle en France…surtout dans le métro….
C’est la même chose pour l’excellence à l’école. Une partie de cette excellence vient de facteurs culturels qui ne sont pas transposables. Mais j’y reviendrais plus tard.
En revanche, il y a une chose qui est transposable : la façon dont on renforce la persévérance et dont on accompagne l’échec.
Plusieurs études sont citées dans le livre et elles nous apprennent que les parents asiatiques ont tendance à encourager leurs enfants à essayer encore pour qu’ils réussissent alors que des parents américains avaient tendance à être trop nourriciers et à chercher à éviter les situations d’échec qui pourraient (peut-être) provoquer un inconfort à l’enfant. Et par conséquence, les enfants asiatiques réussissent mieux parce qu’ils s’acharnent plus.
Si je transpose cela à la France, je dirais qu’il est important d’encourager les enfants à essayer encore quand ils ne réussissent pas tout simplement parce que c’est normal de ne pas réussir du premier coup. Par exemple, quand un enfant apprend à marcher, on ne lui dit pas qu’il est nul parce qu’il est tombé et on ne lui donne pas des coups de pieds. On s’exclame et on s’extasie devant ce premier pas et on l’encourage à recommencer.
Si on transpose cela à l’apprentissage des tables de multiplication ou des opérations, on est loin du compte ! Les pôves gosses, ils en entendent quand ils ne réussissent pas ! Or, on devrait les encourager à refaire encore ou à refaire plus tard avec la certitude qu’ils y arriveront.
Aujourd’hui, je remarque souvent qu’on dit aux enfants qu’ils sont intelligents quand ils réussissent. C’est bien mais c’est incomplet parce que cela les amène à penser qu’ils réussissent parce qu’ils sont intelligents. Non, ils réussissent parce qu’ils ont l’intelligence nécessaire pour effectuer une tâche adaptée et qu’ils ont travaillé.
Trop de renforcement sur l’être (tu es intelligent) entraine la croyance que l’on réussit parce que l’on est intelligent, bon etc… donc la croyance que les apprentissages ne requièrent pas d’efforts. Conclusion : Ceux qui réussissent sont intelligents donc ceux qui ne réussissent pas sont bêtes.
C’est un raisonnement fallacieux. Parce qu’un jour ou l’autre, certains apprentissages réclament plus d’efforts que d’autres. Même Zlatan ou Platani (pour les vieux qui me lisent) s’entrainent. Comme l’a dit Edison, le génie, c’est 1% d’inspiration et 99% de transpiration.
Et la réussite ou l’excellence à l’école, c’est les 99%.
Je ne veux pas dire que l’on doit forcément exiger l’excellence de ses enfants et leur mettre une pression intense.
Mais je remarque, en tant que formateur avec des jeunes qui préparent les concours infirmiers, une vraie détresse face à des tâches qui ne sont pas faciles et requièrent de l’entrainement. Certains étudiants (qui ont le bac, donc ils sont loin d’être nuls) refusent de faire certains exercices, persuadés qu’ils n’y arriveront pas. J’en déduis que, jusqu’à présent, ils ont réussi sans trop d’efforts (tant mieux pour eux) mais que du coup, ils pensent que s’ils sont obligés d’en faire, c’est parce qu’ils ne sont pas à la hauteur. Donc, faire face à la difficulté les renvoie à un jugement négatif sur eux-mêmes (je suis nul) alors qu’ils devraient juste se dire : si je fais cet exo suffisamment de fois, je vais bien finir par y arriver ! Je rencontre un cas de figure identique quand des parents m’amènent des enfants qui refusent d’essayer des choses nouvelles par peur de rater.
Donc un conseil avec les enfants : les encourager pour et quand ils s’acharnent à surmonter une difficulté. Et dites-leur ce que, vous, vous aimeriez entendre si vous aviez besoin d’encouragement ! Ce ne sera pas parfait mais ça évite de dire des choses négatives ou blessantes par accident.
Et ce qui n’est pas transposable ?
Les facteurs qui motivent les enfants à travailler à l’école sont aussi contextuels et ne sont pas transposables.
Les sociétés traditionnelles : dans les sociétés traditionnelles, on ne laisse pas tellement le choix à l’enfant de ce qu’il va devenir. Il a sa place. L’éducation n’est pas centrée sur le développement du potentiel personnel de l’enfant mais sur la place qu’il occupera au sein de la famille élargie. Elle n’est pas non plus orientée sur la discussion, la flexibilité et surtout l’autonomie. Or aujourd’hui, en France, l’obéissance n’est pas en général la valeur phare de l’éducation car ce n’est pas un avantage dans notre monde « moderne ».
L’usage de la honte : dans certaines cultures asiatiques, ne pas réussir fait porter la honte sur la famille. Évidemment, ça motive !
Le retour sur investissement : dans certains pays asiatiques en développement, l’acquisition de savoirs permet d’assurer une vie meilleure. Chez nous, le discours est fort défaitiste à cet égard. On plutôt tendance à dire « si tu ne travailles pas, tu ne réussiras pas » mais on ne va pas jusqu’à dire que travailler à l’école permet d’avoir une vie meilleure. Et tout le monde connait un docteur en quelque chose qui est chômage… Ce n’est pas motivant (alors que c’est faux, car le diplôme protège du chômage).
Et pour finir, même les asiatiques peuvent avoir tort ! Penser que si l’on travaille à l’école, on va forcément réussir et que si on ne réussit pas, c’est qu’on n’a pas assez travaillé est une croyance qui ne résiste pas à une analyse précise des situations. Et penser que tous les asiatiques réussissent tous est également une croyance. Jusqu’à preuve du contraire, il n’y a pas 1.7 milliard de docteurs en Chine !