Je ne sais pas si vous avez vu une pub qui passe en ce moment à la télé pour un yaourt dont le nom commence par D et finit par O.

Au début, je n’ai pas bien compris de quoi il s’agissait. Un homme jeune, debout dans une piscine, au début d’une ligne d’eau, se fait voler son slip de bain par un drôle de requin …
Là où c’était plus familier, c’était les trois filles assises sur le bord de la piscine, en train de glousser de manière un peu cruche en le regardant. Et oui, là encore les filles font tapisserie en périphérie d’un espace de sport, donc masculin…
D’ailleurs, leurs maillots de bain étaient secs. Ça ne donnait pas l’impression qu’elles étaient venues nager.
Bon ensuite, on ne sait pas comment, il récupère son slip et clopine, le requin/bestiole comme un boulet au pied, vers un distributeur de produits gras et sucré puis, en se ravisant, vers un frigo sur le bord de la piscine. Parce que le boulet est censé représenter la faim. D’ailleurs, il s’appelle G Ladalle.
Et dans le frigo, l’accort jeune homme trouve quoi ? Des yaourts. C’est là que j’ai vraiment ri.
C’est peut-être parce que je vis dans ma campagne mais je n’ai jamais vu un homme manger un yaourt quand il a une petite faim. Même un yaourt bétonné comme celui proposé (la cuillère tient debout toute droite dans le pot !).
D’ailleurs, je me demande si j’ai déjà vu un homme avoir une « petite » faim.
En y réfléchissant, je n’ai pas trouvé une seule pub de yaourt destinée aux hommes sauf le Yop, destiné aux ados et vendu au litre. Le yop, c’est plutôt pour les grosses faims et pour les garçons (je ne crois pas avoir vu de pub yop avec des filles).
Non, le yaourt, en tout cas en France, c’est un truc de nanas, un truc qui vous fait un sourire au ventre (plat de préférence) ou qui vous fait du bien à l’intérieur (ah, les flatulences, c’est moche chez une fille) ou encore qui vous fait le teint lumineux, de préférence sans trop de matières grasses.
Ça m’a rappelé une interview très intéressante de Françoise Héritier, anthropologue. Elle y explique une théorie sur le dimorphisme homme-femme. En effet, on pense souvent que la différence de taille entre hommes et femmes est naturelle. Or, quand on observe les animaux, il y a un certain nombre d’espèces où les femelles sont plus grandes et d’autres où l’on ne peut pas distinguer les femelles ou les males par leur taille. Regardez un troupeeau de gazelles ou de buffle, vous ne pourrez pas les différencier.
La théorie, développée par Priscille Touraille est qu’il y a une différenciation d’accès à la nourriture selon le genre, les protéines étant souvent réservées aux garçons et aux hommes. Cette différenciation existant depuis fort longtemps, il y a eu une sélection naturelle des femmes plus petites et des hommes plus grands.
Il n’est pas nécessaire d’aller dans des pays lointains pour constater la différence d’accès à la nourriture. Dans des familles paysannes ou ouvrières, il n’était pas rare de voir les femmes rester debout pendant les repas pour servir les hommes et se nourrir des restes. Et j’en ai des exemples personnels qui datent de moins de 50 ans. Aujourd’hui, il suffit de regarder les pubs à la télévision pour se rendre compte que l’alimentation est genrée. Les yaourts et les aliments légers aux femmes, les burgers, les chips ou les cacahuètes aux hommes. Et la pub n’est pas près de nous libérer ! Sans compter le message sur l’immédiateté : faut-il vraiment manger quelque chose dès qu’on a une « petite » faim ? Est-ce vraiment une obligation de manger sans attendre d’avoir fait ses longueurs dans la piscine ? Cette pub est un vrai reflet de notre civilisation : on ne peut pas attendre !
A vos observations ! La prochaine fois, regardez qui mange quoi au restaurant ou la maison. Observez si vous donnez la même chose à manger (ou en même quantité) aux garçons et aux filles ? Et regardez les pubs avec un autre œil !

Nathalie