Delphine Toutain est une pétillante jeune femme, dynamique et décidée qui s’est forgée un métier au fil du temps, en l’inventant. A chaque étape, elle a allié curiosité – pour la gestion et l’administration financière-, rigueur – en proposant un cadre et des méthodes clairs-, et passion – pour l’art et les artistes.  

Sa démarche illustre parfaitement comment parvenir à mettre ses talents au service d’une cause essentielle. La trajectoire, la vision et les compétences de Delphine Toutain sont parfaitement en phase. L’alignement qui en résulte est précieux et inspirant.    

“Une suite de rencontres heureuses”

Comment avez-vous créé l’agence Tada ? 

J’ai fait un parcours de droit de la propriété intellectuelle. Alors que tout le monde dans ma promotion s’orientait vers des carrières d’avocat ou de juge, j’ai fait un bilan de compétences car je voulais travailler dans le domaine culturel et artistique. 

J’avais 22 ans et la personne avec laquelle j’ai fait le bilan m’a conseillé de faire un stage dans le monde de l’art. A l’occasion de mon mémoire de Master sur les produits dérivés des artistes, j’avais rencontré l’équipe de la Succession Picasso. Je me suis rapprochée d’eux et j’ai pu obtenir un stage. A partir de là, une suite de rencontres heureuses m’a conduit à inventer mon métier actuel. 

A la Succession Picasso, j’ai rencontré Tatiana Frank . Un jour, elle m’a proposé de l’accompagner à un vernissage de Prune Nourry qui, simple hasard, cherchait une stagiaire aux Etats-Unis. Je l’ai rejointe à New York presque immédiatement après. Quand je suis arrivée, la directrice administrative du studio qui venait d’être recrutée n’était pas encore en poste. Dans cet entre-deux, j’ai commencé à identifier tous les sujets administratifs et financiers qui pouvaient être améliorés. C’était de la gestion improvisée. Je n’avais aucun diplôme sur ces sujets mais juste du bon sens. 

“Des clients fidèles, une relation de confiance forte et inscrite dans le temps.” 

A la fin de mon stage, j’ai continué à aider Prune Nourry en tant que freelance. Elle a été ma première cliente. Petit à petit, j’ai développé une gamme de services et un réseau de clients. Mon enseignement est aujourd’hui intégré au cursus de formation des Beaux-Arts. Je forme les artistes, au tout début de leur carrière, pour qu’ils puissent se familiariser avec les sujets de gestion, de facturation et d’archivage de leurs œuvres. J’accompagne actuellement entre 150 et 300 artistes chaque année. 

Au fil du temps, des liens forts se sont créés avec mes clients, des liens de confiance. Je les accompagne dans leur parcours de vie, ils partagent beaucoup de choses avec moi. Je sais les écouter, dédramatiser, simplifier. 

Avez-vous eu un déclic, un moment clé dans votre parcours ? 

Quand j’ai trouvé le nom Tada ! J’ai compris que j’avais réussi à exprimer ma mission. C’est l’effet Mary Poppins, un coup de baguette magique et tout est réglé ! 

Quelle est votre botte secrète ?

Mon jeune âge a sans aucun doute été un atout. Je ne ressemble pas aux figures redoutées et intimidantes de l’expert-comptable ou de l’avocat. Beaucoup de pédagogie, de répétition et d’humour sont aussi des atouts majeurs pour rendre les choses simples et permettre aux artistes de créer en toute sérénité. Le public avec lequel je travaille est souvent précaire, je dois m’adapter à leurs ressources financières et proposer des offres compatibles avec leurs revenus. 

C’est aussi un public qui parfois préfère faire l’autruche que d’anticiper ! Il faut de la joie de vivre pour avancer et être un facilitateur, toujours à l’écoute et surtout, prendre le temps. 

Mon secret, c’est que j’adore la comptabilité et l’administratif. Il m’est arrivé de prendre des livres sur la TVA dans ma valise à lire pendant les vacances. J’aime comprendre pourquoi les choses sont si compliquées et décortiquer le système. 

J’ai longtemps eu le syndrome de l’imposteur mais j’ai construit ma crédibilité jour après jour et je me suis auto-formée en demandant conseil aux uns et aux autres. Je vais au quotidien dans les studios d’artistes. Les nouveaux artistes que je rencontre comprennent rapidement que je connais bien les sujets auxquels ils sont confrontés. 

Qu’est-ce qui vous plaît le plus dans votre métier aujourd’hui ? 

Sans aucun doute l’amour de l’art ! Ma sensibilité pour l’art visuel m’aide grandement avec les artistes. Rien ne me fait plus plaisir que d’aller voir une exposition ou un studio d’artiste. Chacune de ces visites me rappelle ma mission : permettre à la création d’exister et de durer dans le temps. 

Quels ont été les obstacles que vous avez rencontrés ?  

J’ai eu de grands moments de doute sur le positionnement et les offres qui pourraient le mieux correspondre au besoin d’un public très précaire. Inventer son métier, c’est aussi très exigeant et il n’est pas toujours simple de se former seule au quotidien. 

Comment voyez-vous l’avenir ? 

Je travaille depuis un certain temps sur un logiciel d’archivage et de copilotage administratif en ligne. Il est presque abouti, son lancement est imminent. J’ai également un projet de lieu : une conciergerie administrative des artistes déployée dans plusieurs villes de France. J’aimerai aussi accompagner les artistes étrangers qui s’installent en France.

Votre devise ? 

“Everything will be okay in the end. If it’s not okay, it’s not the end”.

“A la fin, tout sera pour le mieux. Si ce n’est pas le cas, c’est que ça n’est pas encore la fin” 

Merci à Tamia Menez B’Chiri pour cet interview qui va à l’essentiel !