Ça vous rappelle quelque chose ?
Je viens de finir d’animer une formation pour des ATSEM et nous avons beaucoup parlé du « dépêche-toi », omni présent à l’école maternelle. Et les TAP n’ont rien arrangé (il faut se dépêcher pour aller faire les activités, au lieu de faire tranquillement la sieste).

Ça commence a la maison :
« Dépêche-toi de te lever »
Au petit déjeuner « dépêche-toi de finir ta tartine »
Avant de partir à l’école « dépêche-toi de mettre tes chaussures »
Dépêche-toi de monter dans la voiture !
Dépêche-toi de descendre, je vais être en retard au travail.
Allez ! Mets vite tes chaussons.
Et après, on arrive stressé au travail et en quasi apnée…
Pour les enfants, ça continue (pour les adultes aussi parce qu’au boulot, tout est toujours urgent et aurait dû être fait hier).
A l’école : dépêche-toi de faire pipi (en maternelle, 6 toilettes pour 30 enfants qui se tortillent d’envie. Sauf dans les endroits révolutionnaires où on a décidé que les enfants pourraient aller aux toilettes quand ils ont envie).
Dépêche-toi de finir ton travail ou tu seras obligé de rester pendant la récréation.
Dépêchez-vous de vous mettre en rang.
Dépêchez-vous de vous laver les mains (non finalement, on n’a pas le temps de se laver les mains… tu veux faire pipi ? tu feras après. Tu n’avais qu’à y penser à la récré).
Dépêchez-vous de manger sinon vous n’aurez pas le temps de jouer dehors.
Et le soir : finis vite ton gouter pour aller faire tes devoirs.
Dépêche-toi de finir de manger
Dépêche-toi d’aller te laver les dents
Dépêche-toi d’aller te coucher !
Et vais-je oser le dire ? Oui ! « Dépêche-toi de dormir ! ». Les insomniaques apprécieront….

Bon, vous voyez le tableau ?
Du matin au soir, dès le plus jeune âge et même à la crèche, on n’arrête pas de se dépêcher et de presser les enfants.
Est-ce qu’on peut faire un arrêt sur image et se poser la question de l’effet que cela a sur nos enfants ?
Arrêt sur image : le matin quand il faut se préparer pour partir.
– Dépêche-toi de te mettre tes chaussures et ton manteau, dit la mère (le père)
Arthur, 5 ans, fait une tentative de saisir sa chaussure. La pose. Met le pied dedans.
– « zut, j’ai oublié un truc ». La mère (le père) court chercher le truc oublié.
Elle (il) revient.
Arthur est allongé par terre et joue avec un bout de lego trouvé sous l’armoire à chaussure. Il a un pied dans une chaussure et l’autre en chaussette.
– « Mais c’est pas le moment de jouer ! Met tes chaussures ! Dépêche-toi ! »
Arthur bouge à la vitesse d’un astronaute sorti dans l’hyper espace.
Sa mère se saisit des chaussures, l’assoit brutalement et monte dans les tours. Sa pression artérielle crève le plafond.
Vous voyez le tableau ?
Autre version : la poule sans tête.
Arthur se met à s’agiter, à se tromper de pied, n’arrive pas à enfiler la chaussure, se trompe de bras, ne trouve pas son bonnet….
Et là aussi, ça soupire et ça s’énerve !

Il faut bien se rendre compte que pour un enfant, « dépêche-toi », ça ne veut rien dire et en plus, il ne sait pas comment faire.
Dépêche-toi de manger : je dois mâcher plus vite ? Avaler tout rond ?
Dépêche-toi de t’habiller : je fais comment ? Je bouge les bras plus vite ? Je trépigne sur place ?
Dépêche-toi de dormir : je ferme les yeux plus forts ? Je respire plus fort ?

En fait, le « dépêche-toi » crée de la confusion parce que l’enfant ne comprend pas qu’il doit faire les choses plus rapidement sans s’arrêter, en enchainant une suite de comportements complexes qu’il n’a pas encore acquis. Il est juste influencé par le stress de l’adulte et ça le stresse à son tour. D’où l’agitation sans effet ou la lenteur exaspérante.
Alors, d’abord, une information importante :
Un enfant a besoin d’une dizaine de minutes pour mettre chaussures et manteau le matin.
Ce n’est pas la peine de croire qu’il pourra faire plus vite. C’est comme si on vous mettez directement sur une piste noire, alors que vous savez à peine skier, en vous disant « allez ! Dépêche ! ».
En plus du stress, on envoie à l’enfant un message d’incompétence : tu es lent. Non, il n’est pas plus lent qu’un autre. Il a juste besoin du temps nécessaire pour faire les choses. Et c’est à vous, l’adulte, d’adapter le temps à la réalité de ce que l’enfant peut faire.

Tout comme les ATSEM du groupe de formation, vous pouvez tester d’arrêter de dire « dépêche-toi » et plutôt dire aux enfants ce qu’ils doivent faire :
Mets tes chaussures. Et attendez que ce soit fait.
Pose ta tartine. Il faut aller mettre les chaussures. Et attendez que ce soit fait.
Monte dans la voiture. Et attendez que ce soit fait.
Attache-toi. Et attendez que ce soit fait.
Met tes chaussons. Et attendez que ce soit fait.

Tous ces actes ne sont pas anodins. Ils font partie de l’apprentissage des actes de la vie quotidienne et requièrent l’usage de compétences fondamentales. Ils sont aussi importants que les leçons de piscine, le baby-tennis ou le parcours de motricité. S’habiller, manger, monter dans la voiture sont des activités et pas uniquement des mauvais moments à passer. Et les enfants ont besoin que l’adulte reste là quand ils font. C’est un regard contenant. Si vous partez, ça part en cacahuète !
Alors, testez et dites-moi ce que vous en pensez.